Surmonter la crise, réussir l’élargissement de l’Union Européenne

SYMPOSIUM DE CRACOVIE (7-9 MARS 2003) DECLARATION FINALE

1. L’élargissement de l’Union Européenne, que nous vivons, après la chute du Mur, comme un acte historique de réconciliation et de réunification des peuples d’Europe, constitue une tâche aussi importante et aussi difficile que la fondation et la mise en route du processus d’unification il y a cinquante ans.

2. Le double processus d’approfondissement politique et d’élargissement géographique dot être conduit à son terme avec succès. Le rêve des pères-fondateurs, qui était l’union de l’Europe dans la paix et la liberté, peut maintenant devenir réalité.

3. L’élargissement doit renforcer l’union des peuples et des Etats, de telle sorte que l’Europe puisse assumer des tâches plus importantes. C’est pour cette raison que nous prenons position en faveur d’une Constitution démocratique s’inscrivant dans une perspective fédérale. Le renforcement de l’unité politique de l’Union est une condition essentielle de la réussite de l’élargissement géographique. Celui-ci doit servir l’intérêt général européen et s’inspirer des méthodes qui ont permis la réussite de la construction européenne depuis ses origines.

4. Chrétiens engagés dans la vie publique, et futurs citoyens d’une Union Européenne renouvelée et élargie aux pays d’Europe centrale et orientale, nous plaidons pour une Constitution fondée sur des valeurs, et nous souhaitons que ces valeurs engagent tous les Européens. Cette Constitution doit permettre à ces derniers d’exprimer leur accord sur des fondements moraux et sur l’identité de l’ensemble supra-national auquel ils appartiennent.

5. Nous insistons fortement pour que le Préambule de la Constitution reconnaisse les héritages religieux et culturels, qui ont fortement contribué à structurer, dans toutes ses dimensions, cette identité que les Européens partagent.

6. L’unification de l’Europe est un projet d’ordre éthique. Il s’agit de pardon et de réconciliation, de paix et de liberté, de droit et de justice, de solidarité des plus riches avec les plus pauvres et des plus forts avec les plus faibles, tant au sein de l’Union que vis-à-vis du monde. Les Européens doivent être responsables du respect et de la promotion de ces valeurs, devant leur conscience, devant les hommes et, pour ceux d’entre eux dont telle est la foi, devant Dieu. Nous voulons que cela figure dans la Constitution. Mais une telle proposition ne doit exclure personne et ne doit en aucun cas permettre que Dieu puisse être récupéré à des fins politiques. La Constitution de la République de Pologne offre dans ce contexte une formulation qui a tout son sens.

7. Nous constatons que la Convention européenne s’efforce sérieusement et activement de parvenir à un consensus qui dépasse sensiblement le statu quo et les intérêts immédiats des gouvernements ; elle prend en compte des demandes essentielles qui ont été présentées par les Eglises, y compris par des organisations de laïcs chrétiens. Nous soutenons tout particulièrement l’intégration de la Charte européenne des droits fondamentaux dans la Constitution, afin qu’elle devienne un engagement de droit. La Constitution doit également déclarer qu’elle est fondée sur le respect de la dignité humaine, indivisible et inviolable, et qu’elle compte parmi ses objectifs premiers le respect de la vie, la promotion du mariage ainsi que celle de la famille, considérée comme la cellule de base de la société.

8. Nous sommes attachés à l’autonomie des organisations de la société civile et à leur rôle dans le bon fonctionnement de la société en général. Dans le même esprit, nous réclamons avec force une garantie institutionnelle des droits des Eglises et des communautés religieuses, tels qu’ils existent dans les Etats-membres, de telle sorte que ces droits ne puissent être réduits ou remis en question par des politiques ou des prises de décision de l’Union.
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Le spectacle de division que vient de donner une fois de plus la diplomatie européenne face à la crise internationale nous invite à une réflexion commune, sans complexes ni illusions. Il s’agit d’une crise. Nous ne devons pas nous résigner à la désunion, mais vivre ces moments comme une opportunité pour mieux comprendre, dans le dialogue, le poids de nos histoires et le sens de nos différences. Un tel dialogue et la pratique de la concertation sont indispensables pour toutes les orientations majeures de notre politique extérieure. C’est à partir de là que nous pourrons construire une unité d’action européenne ; dans un monde pluripolaire, celle-ci doit être fondée sur des partenariats constructifs avec le reste du monde. Nous assumerons alors mieux notre appartenance à l’Union, et pourrons la vivre comme la chance qui nous est donnée d’infléchir ensemble le cours des relations internationales, vers la justice, la solidarité et la paix.
Et c’est ainsi que nous réussirons aussi le passage de la diplomatie à la démocratie comme principe politique majeur dans l’Union. La Constitution, fondement juridique du « vivre ensemble », est un passage obligé d’une Europe capable d’assurer le bien-être de ses citoyens et de porter au monde le témoignage d’une société solidaire. Aujourd’hui et demain, notre tâche de chrétiens est de contribuer à transformer ce qui était une union d’Etats en une communion des peuples et des citoyens d’Europe.

Cracovie, le 9 mars 2003

 

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