Résolutions sur les questions de l’évolution de la biomédecine t leur évaluation éthique
adoptées par l’Assemblée plénière du Comité central des Catholiques Allemands (ZdK)
Suite aux impulsions pour un débat "le progrès en biomédecine, un défi pour la conception chrétienne de l’homme", proposées par le groupe de travail politique et culturel du ZdK et à la lettre pastorale de la Conférence épiscopale allemande, parue sous le titre "l’homme est-il son propre créateur ?", l’Assemblée plénière du ZdK adopte la résolution suivante:
1. Le génie génétique, la biomédecine et la neurobiologie transformeront fondamentalement notre vie et représenteront un défi pour nos conceptions et nos prises de position religieuses, culturelles et humaines. C’est un défi que nous voulons et devons relever en tant que Chrétiens. Pour préparer un avenir digne et humain, nous voulons et nous devons prendre part au dialogue entre la société, la culture et la politique et contribuer à ce que la coopération indispensable entre les sciences et les sciences humaines réussisse. Ce-faisant, il importera de tenir un langage qui justifiera ouvertement chaque prise de position. Sur ces questions, il n’y a pas de position absolue.
Le ZdK reconnaît la liberté de recherche garantie par la constitution et pense qu’une recherche médicale ayant pour but de guérir les maladies, est indispensable. Parallèlement, le ZdK rappelle la dignité de chaque être humain qui se trouve au centre de la conception chrétienne de l’homme et qui représente en même temps la base de notre constitution. La dignité de l’être humain limite la liberté de la recherche, afin que cette dernière ne débouche pas sur des conséquences inhumaines.
2. La vie humaine commence avec la fusion du sperme et de l’ovule en un ovule fécondé doté d’une double formule chromosomique. A partir de là, la vie humaine ne se développe pas dans le but de devenir un être humain, mais déjà en tant qu’être humain. Toute tentative pour délimiter autrement le commencement de la vie humaine et, ce-faisant, le devoir de protection de l’être humain, est arbitraire. C’est également ce que retient la loi sur la protection de l’embryon actuellement en vigueur et qui se retrouve dans des jugements se rapportant à ce sujet rendus par le tribunal constitutionnel fédéral allemand. Le ZdK plaide pour l’élaboration d’une loi englobant tous les
aspects de la médecine de la reproduction, qui tiendrait compte des nouveaux développements de la biomédecine et qui ne resterait pas en deçà du niveau de protection acquis par la loi en vigueur de 1990 sur la protection de l’embryon. Cela vaut particulièrement pour l’interdiction contenue dans la loi sur la protection de l’embryon de se livrer à des recherches sur l’embryon et de s’en servir à d’autres fins que celles de sa santé.
3. Le ZdK n’accepte pas l’autorisation du diagnostic préimplantatoire en Allemagne. Par diagnostic préimplantatoire, on entend l’examen du matériel génétique d’un embryon in vitro pour y détecter d’éventuelles maladies avant son transfert et son implantation dans l’utérus. On comprend bien que les parents désirent avoir un enfant en bonne santé. Mais cela ne doit pas conduire à la destruction d’embryons chez lesquels on pronostique une maladie d’origine génétique.
L’autorisation du diagnostic préimplantatoire - contrairement à l’intention déclarée des partisans d’une telle autorisation - peut, en fait, favoriser la tendance à sélectionner la vie humaine, et le ZdK voit là un réel danger. La pratique dans les pays où le diagnostic préimplantatoire est autorisé montre qu’il est extrêmement difficile de respecter les limites et de s’en tenir seulement à quelques indications.
Le ZdK voit un danger supplémentaire dans le fait que l’intention liée au diagnostic préimplantatoire, consistant à diminuer, voire à supprimer la souffrance individuelle, (ici: s’efforcer de réaliser le désir de parents ayant des antécédents génétiques d’avoir des enfants) conduirait à des changements qui dépasseraient de loin la situation individuelle. Elle néglige en particulier le fait que traiter les infirmités physiques ou psychiques en les refusant ou en les dévalorisant, augmente considérablement ces infirmités et la souffrance de ceux qui en sont atteints et souvent même la provoque. Cefaisant, on ouvrirait la voie à une évolution générale qui conduirait rapidement à un changement fondamental dans l’attitude face à la dignité d’une vie humaine marquée par l’infirmité et la maladie et plus généralement dans l’attitude face aux infirmes et aux malades.
4. Le fait que, en Allemagne, des avortements dits tardifs, c’est à dire des interruptions de grossesse dans le cas où on s’attend à une infirmité ou à une maladie de l’enfant, puissent avoir lieu jusqu’aux derniers moments précédant la naissance, est un scandale. C’est pourquoi l’Assemblée plénière demande, selon la déclaration du ZdK du 16 février 1999, que soient prises des initiatives politiques pour empêcher ces avortements tardifs. Il s’agit ici d’améliorer les consultations en se donnant pour but de protéger la vie face au diagnostic prénatal et à la suite d’un diagnostic décelant une maladie incurable ou des troubles du développement de l’enfant à naître. De plus, une mise au point juridique du champ d’application de l’indication médicale (§ 218a, al. 2 du code pénal allemand) est absolument nécessaire. En effet, il ne doit plus être permis de classer tacitement une I.V.G.dans la rubrique indication médicale, dans les cas où on prévoit une infirmité ou une maladie de l’enfant et, ce-faisant, de la légaliser. Si cette mise au point ne peut être obtenue autrement, le législateur devra procéder à un amendement du § 218a, al. 2 du code pénal.
En outre, la responsabilité juridique des médecins doit être formulée de telle sorte que rien ne les empêche d’encourager les parents à prendre une décision, même dans les cas douteux, en faveur d’un enfant éventuellement handicapé.
5. Personne ne doit être obligé de subir un diagnostic au plan du génie génétique. Dans sa déclaration "tests génétiques prédictifs, points principaux pour une orientation éthique et juridique", la commission consultative d’éthique du ministère fédéral allemand de la santé a fait d’importantes propositions sur l’usage de ce qu’on nomme les tests génétiques prédictifs. On y retient que ces tests peuvent servir les intérêts légitimes de la prévoyance médicale et du projet de vie. Cependant, les résultats de tests génétiques peuvent avoir des conséquences si radicales pour ceux qui sont concernés qu’un tel diagnostic ne doit avoir lieu qu’après consentement et que ces personnes doivent avoir le droit de refuser de tels examens. A partir de ces arguments, et à cause des risques d’abus lors de la souscription à une assurance ou de la conclusion d’un contrat de travail, le ZdK exige des réglementations juridiques.
6. Le ZdK juge indispensable l’interdiction du clonage d’embryons humains parce que la reproduction d’embryons par clonage viole fondamentalement la dignité individuelle et globale de l’être humain. On ne doit fabriquer des embryons génétiquement identiques ni dans le but de mettre au monde un enfant cloné (ce qu’on appelle le clonage reproductif), ni pour obtenir des cellules souches embryonaires (ce qu’on appelle le clonage thérapeutique). En effet, un procédé qui lèse la dignité intangible de l’être humain ne peut se justifier par des interêts sur le plan social ou médical. En ce qui concerne le clonage thérapeutique, on conteste de plus en plus au plan scientifique le fait que le clonage d’embryons humains soit nécessaire ou même approprié pour atteindre les buts thérapeutiques visés.
Les résultats de la recherche scientifique montrent que le clonage d’embryons humains, vu les méthodes employées, va de pair avec des risques impondérables et inconsidérés pour l’être qu’on veut créer. Le ZdK constate qu’à la longue, la différentiation entre clonage reproductif et thérapeutique faite par les partisans du clonage thérapeutique ne peut se soutenir. Le ZdK reconnaît le bien-fondé des buts thérapeutiques poursuivis et juge bon de mettre l’effort sur des méthodes alternatives ne présentant pas de problèmes éthiques, comme par ex. la recherche avec des cellules souches adultes.
7. Le ZdK en appelle à toutes les paroisses et organisations catholiques, afin qu’elles travaillent intensément sur les questions abordées ici. En effet, le fait que l’idée d’un être humain parfait, vital, toujours jeune et en bonne santé, guide de plus en plus les attitudes et les actions dans notre société suscite une vive inquiétude. Cela aurait des conséquences dramatiques pour la manière dont on accepte la souffrance réelle et les handicaps, les inévitables maladies et les limites de l’homme. Qu’est-ce qui fait d’un être humain un être humain, comment vit-il sa finitude, quelles visions guident son action et quelles limites doivent être imposées à ses actes au nom de l’humanité, autant de questions sur lesquelles doit absolument porter la discussion.
Bonn-Bad Godesberg, le 4 mai 2001